ABISSA, UN SYMBOLE FORT D’UNITE ET D’HERITAGE

L’Abissa est une fête traditionnelle du peuple N’zima célébrée chaque année à Grand-Bassam pour marquer le passage à la nouvelle année. Elle symbolise la purification, la cohésion sociale et le renouveau. Durant deux semaines le Siedou (silence et réflexion) et le Gouazo (danses et festivités) la communauté se réunit autour du tam-tam sacré Edongbole. Plus qu’une célébration culturelle, l’Abissa est un moment de critique sociale, de réconciliation et d’unité. Devenue aussi un événement artistique, touristique et désormais digital, elle incarne la tradition ouverte sur l’avenir du peuple N’zima.

Culture
ABISSA, UN SYMBOLE FORT D’UNITE ET D’HERITAGE

Abissa vient du terme « kobiza » qui signifie « va demander », « va t’informer » en N'zima. Elle est aussi appelée « Kondoum », de « Kon » qui signifie « il est temps de faire l'unité ». L’Abissa (ou Abissadjë, Abissa) est une fête traditionnelle des N’Zima (parfois appelés N’zema ou Nzima Kotoko) qui se tient chaque année en Côte d’Ivoire.

En effet, l'Abissa est l'occasion pour les N'zima de se réunir dans le village pour célébrer la nouvelle année durant laquelle tous « rentrent en famille ». Elle dure deux semaines : la première appelée Siedou est la semaine silencieuse et la seconde, le Gouazo, est celle des effusions et des festivités. La célébration se déroule sur la Place de l'Abissa au rythme de l'Edongbole, le tamtam sacré des N'zima.

L'Abissa de Grand-Bassam clôture une série d'Abissa qui commence dans la région a au Ghana, dans les villages M'Blogo et Begnini. Elle se poursuit dans d'autres villages ghanéens avant d'être célébrée en Côte d'Ivoire, à Tiapoum d'abord, puis à Grand-Bassam.

Plus, qu’un simple moment festif, l’Abissa est un rituel de renouveau, de repentance, de cohésion sociale et de bilan communautaire. Elle marque la fin d’une année pour le peuple N’Zima et le début d’une autre.

L’ABISSA : PRESENTATION, ORIGINE, SIGNIFICATION ET MANISFESTION

L'Abissa remonte aux années 1800 et elle célèbre le début de la nouvelle année N'zima. Autrefois, le début des festivités était déterminé par la chute des premiers fruits de l'arbre Assolo Baka. Aujourd'hui, la date est fixée par l'Association Abissa : la cérémonie commence toujours le dernier dimanche du mois d'octobre.

L'Abissa appartient à l'une de ses sept familles N'zima, celle des N’Vavilé. En effet c'est un jeune N’Vavilé qui a « ramené » la danse. Selon la tradition orale, il est parti chasser dans la forêt où il a été attiré par le grondement d'un tam-tam. Il s'est rendu à l'endroit d'où provenaient la musique et les acclamations et a été surpris de découvrir des génies en train de célébrer. Il s'est caché pour les observer, mais il a été repéré. Les génies lui ont transmis la danse et l'ont averti : chaque année, à la même période, son peuple doit célébrer la même fête, au risque qu'un grand malheur ne s'abatte sur la communauté. C'est ainsi que la fête est transmise aux Hommes par les génies et que les N'zima la célèbrent tous les ans. 

Généralement, après en avoir informé le chef du village qui vérifiait par lui-même, les populations avaient l'habitude de consulter le devin du village, "Koudoum". Mais ils ont préféré consulter le devin du village voisin. C’est en cela qu’on parle de "Abissadje" qui a fini par devenir Abissa. Il signifie "je vais demander de l’aide à". L’Abissa est donc une danse sacrée.

Frustré, Koudoum se rend dans la forêt où il est capturé par les pygmées. À son retour, il expliqua qu’il fallait faire des sacrifices et des libations pour marquer les nouvelles récoltes.

L'Abissa était orchestrée par la famille N'vavilé des N'Zima composée des Ahantans de Takoradi et les Appolos de Bégnry eux-mêmes constitués des Evawlê, des Djômôlô, des Elêbrê, des Adouvlais et des Adjoufoulê. Elle se fait par rotation et par relais entre les différents sous-groupes Nzema en Côte d'Ivoire et au Ghana.

Les Nzema Evawlê du Ghana commencent en premier ensuite vient celui des Djômôlô, des Elêbrê et des Ahantan. Lorsqu'ils finissent, ils lancent le flambeau en Côte d'Ivoire et ce sont les Adouvlais de la région de Tiapoum qui le reçoivent, puis, le relais est passé aux Adjoufoulê de Grand-Bassam. Cette alliance existe entre ces peuples depuis plus de deux siècles.

Depuis des décennies donc, l’Abissa est pratiquée par le peuple N’zima et n’est plus seulement une danse, mais bien une fête traditionnelle populaire intégrant plusieurs supports artistiques dont la danse, le chant et le déguisement (tenues vestimentaires, maquillage, etc). Cette fête populaire, qui débute généralement fin octobre et début novembre, marque le nouvel an chez les N’zima. Elle se déroule pendant deux semaines. 

La première semaine : le Siédou ou la période silencieuse

La première semaine est silencieuse, hormis le premier jour où le tambour sacré est envoyé à la clairière en fin d’après-midi, dans une ambiance dansante. Tout le reste de la semaine est consacré aux derniers préparatifs de la fête. En effet, l'Abissa commence par le Siedou, la semaine silencieuse. La famille N’Vavilé est détentrice de l'Abissa et gardienne du tam-tam sacré l'Edongbole qu'elle prépare avant la célébration. Elle le nettoie, le sèche et le décore. Après libations, il est alors prêt à sortir de la maison du chef de la famille N’Vavilé pour rejoindre la Place de l'Abissa où il est accompagné par d'autres tam-tams. Puis il est transporté à travers le village suivi par une grande procession qui réunit toute la population. Quelques personnes sont déguisées. Enfin il retourne dans la maison du chef du matriclan. Dans le passé, il était envoyé dans le Bouakè, le bois sacré des N'zima.

Les habitants du village doivent rester dans le recueillement la semaine qui suit la sortie de l'Edongbole. Le Siedou est l'occasion d'introspections et de réflexion sur les bonnes et mauvaises actions de l'année écoulée. Durant cette semaine, les effusions sont interdites : si une personne décède, elle est « enterrée sur le champ. Ses parents pleurent en silence [...]. Et les funérailles ne se font qu'après l'Abissa ». Au terme de cette semaine d'austérité, commence les festivités du Gouazo.

La deuxième semaine : le Gouazo ou la période festive

La deuxième semaine se caractérise par le déroulement de l’Abissa proprement dit sur la place publique au quartier France de Grand-Bassam. Après sa « retraite », l'Edongbole est sorti de « sa » maison et emmené à la cour royale où une foule l'accueille. Il est présenté au roi qui effectue des libations avant de le remettre au peuple, on dit alors que l'Abissa appartient au peuple. L'autorité traditionnelle revient à la population le temps du Gouazo : personne n'est au-dessus de personne, pas même le roi. C'est une période de liberté d'expression totale durant laquelle la crainte d'éventuelles représailles émanant du roi ou de ses notables face à ce que l'on pourrait dire, faire ou dénoncer s'efface. Il est aussi interdit de se mettre en colère sinon « l'année prochaine ne va pas te trouver ».

Au cours de cette semaine, l’Abissa se résume en des déguisements, la mise en exergue des symboles de chacune des familles, des processions, la ronde tout autour de l’estrade des instruments de musique, la danse face aux tribunes des spectateurs et autorités, l’observation des messages verbaux et non verbaux et l’écoute attentive des chants critiques.

Placée sous le thème « L'Abissa, une danse de paix, de conjuration des calamités et de renforcement de la cohésion sociale », l'ABISSA 2025, se déroulera du 12 au 18 octobre 2025. Ce thème met l'accent sur la tradition de l'Abissa en tant qu'événement culturel visant à promouvoir la paix et l'unité au sein de la communauté N'Zima Kôtôkô. L’Abissa est une célébration séculaire, un moment de retrouvailles, de partage et d’unité.

L’ABISSA : FORME ET SENS

Bien plus qu’une fête, l’Abissa symbolise la renaissance, le pardon et la purification. C’est aussi l’occasion de renouveler le lien entre les générations. L’Abissa est avant tout une danse d’interdiction des actes. Mais qu’est-ce que cela veut dire ?  Cela sous-tend que l’Abissa met l’accent sur l’effort des N’zima à interdire et à prévenir, par la critique sociale, les actes odieux, ignobles, les crimes contre la communauté, tout crime entraînant la flétrissure du droit commun. Ce que l’Abissa veut enrayer de tout acte, c’est ce qui n’a pas été éprouvé par l’ensemble des règles fixes servant de module pour déterminer la valeur d’un acte. Il s’agit de tout ce qui, par rapport à la civilisation N’zima, est mauvais : désordre. L’Abissa, fête populaire de fin d’année, est certes, pour les N’zima, « une danse d’interdiction de mauvaises mœurs ». Seulement que la société a voulu, par là, évaluer tout en se reconnaissant dans son évolution. L’Abissa soulève la question fondamentale de changement social et de la continuité.

C’est également une fête populaire de purification (apkulabenwo agole en langue locale).  En N’zima, le terme « apkulabenwo » est formé de deux mots : « epkala » qui est l’action d’enlever, de débarrasser et de purifier. « Benwo » signifie soi, sur soi ou soi-même. Agole veut dire danse. Ainsi l’Abissa est une fête de purification du corps et de l’esprit. Cette purification se fait par l’eau lustrale et surtout par la critique sociale. C’est aussi une fête populaire de concorde (maanwole agole en langue locale). Maan désigne la communauté, le pays ou le monde. Wole veut dire entente, concorde, fraternité. Ainsi, pendant l’Abissa, il n’est pas rare d’entendre des critiques visant des individus d’une autre communauté. L’Abissa est une recherche de concorde au sein de la communauté, et les autres communautés et la communauté N’zima. Cette perception vise aussi la prospérité. En effet, bonheur et enrichissement signifient « anyiabewo agole » en langue locale. L’ordre social et l’ordre politique se perçoivent ici comme une des richesses pour la communauté.

Savoir que la critique sociale est une forme de bonheur et de richesse est une pensée bien noble. Elles l’est davantage en ce qu’elle provient d’une société précoloniale. Si une critique ne trouve pas de solution, au cours de l’année, elle est reprise l’année suivante. En clair, l’Abissa, qui est connue du grand public sous l’angle de fête, de réjouissance, est en réalité une danse de bilan de l’exercice politique, des relations intergroupes et interpersonnelles. Elle fait penser que la communauté N’zima a connu le bilan politique qui se dresse à la fin de l’année parlementaire dans les Etats modernes.

L’IMPACT DE L’ABISSA SUR LE PEUPLE N’ZIMA ET JUSTIFICATION DE SA SAUVEGARDE OU CONSERVATION

Tout au long de ce travail, l’on a mentionné que l’Abissa est une fête de réjouissance. Pendant l’Abissa, l’ambiance est à son comble. La ville de Grand-Bassam est animée. Tout le monde danse à la place Abissa. La ferveur est à son comble, comme indiquent ces photos ci-après.

En Afrique comme partout ailleurs dans le monde, les grands événements sont des occasions de rencontres, de retrouvailles. Or, le monde actuel est en proie à la violence, au doute et à l’incertitude, parcouru par des conflits et des incompréhensions de tout ordre. Il est important d’avoir des références de cohésions sociales qui ont passé à l’épreuve du temps. L’Abissa que danse chaque année le peuple N’zima est une institution multiséculaire dont les valeurs permettent un enracinement et un développement harmonieux de ses membres. En effet, la société N’zima, composée de sept familles distinctes et complémentaires, pose le principe selon lequel on ne passe pas d’une année à une autre avec les conflits, les dissensions, les tensions sociales et politiques. 

On rentre dans la nouvelle année avec les idées d’union, d’entente, de réconciliation, de convivialité et de paix. Ainsi, l’Abissa est l’occasion choisie par l’ensemble des filles et fils de la communauté N’zima, quelle que soit leur fonction et leur lieu de fonction, pour se rendre à Grand-Bassam dans le souci de se retrouver et de partager ces sept jours de convivialité. A ce titre, un enquêté affirme ceci : « Je suis en fonction en France mais je fais l’effort de venir régulièrement lors de l’Abissa. Cela me permet de voir les parents et surtout d’être ensemble avec des vieux amis ».

ABISSA, UNE CELEBRATION ARTISTIQUE, CULTURELLE ET TOURISTIQUE

Etant donné que l’Abissa est une fête traditionnelle populaire, il est intéressant de mentionner, à toute fin utile, qu’elle met en exergue des éléments artistiques et culturels, à savoir le patois, les attributs et parures des rois et chefs, la danse et bien d’autres. En effet, l’Abissa est l’une des occasions choisies par le peuple N’zima pour porter les pagnes (kita) traditionnels et les bijoux de grandes valeurs, pour s’exprimer en langue locale (N’zima) pour témoigner de leur richesse artistique et culturelle.

Or, l’on sait que la nouvelle génération doit prendre comme point focal tous ces éléments artistiques et culturels pour maîtriser le présent et mieux construire l’avenir afin de répondre au défi de la mondialisation. A tout cela, s’ajoute le développement du tourisme. En effet, la ville de Grand-Bassam, première capitale de la Côte d’Ivoire indépendante avant Bingerville, Abidjan et Yamoussoukro, est en réalité une ville balnéaire. Sa proximité avec l’océan Atlantique offre de larges plages et de complexes hôteliers susceptibles d’héberger des touristes. Pendant la période de l’Abissa, les gestionnaires de ces complexes hôteliers voient littéralement leurs revenus augmentés.

L’Abissa, c’est la tradition, mais aussi l’ouverture vers l’avenir ! Fidèle à son esprit de partage, de transmission et d’innovation, l’Abissa ne se limite pas à la célébration culturelle : elle devient aussi un espace d’apprentissage et de développement personnel.
Cette année, en alliant culture et technologie une formation digitale exclusive destinée à toutes celles et ceux qui souhaitent s’initier aux outils du monde numérique a été initiée portant sur le thème :
Initiation à la création de site e-commerce avec CMS (Content Management System) et usage des réseaux sociaux.

L’Abissa est une fête populaire organisée par le peuple N’zima. Cette fête regorge des retombées incommensurables pour la ville de Grand-Bassam et sa population. 

L’Abissa participe au renforcement des liens sociaux du peuple N’zima Kôtôkô et à son développement qu’il soit politique, économique ou social. Cette fête traditionnelle populaire participe à l’animation socioculturelle de la ville de Grand-Bassam et favorise le renforcement des liens sociaux chez le peuple N’zima kôtôkô. Le caractère universel de l’Abissa a été reconnu par l’UNESCO, lors de sa décision d’inscrire la ville historique de Grand-Bassam au patrimoine culturel de l’Humanité le 28 juin 2011.